Soutien psychologique, préparation mentale : comment maintenir le moral ?

Virus, confinement, incertitude, ambiguïté… nous avons vu dans les articles précédents que ces notions étaient des facteurs aggravants du stress. Je propose de clôturer cette série d’articles sur les apports du monde militaire par la question du soutien psychologique en phase de déploiement. Un modèle qui pourrait être utile aux entreprises afin de pouvoir suivre leurs salariés après cette période de 2 mois loin du lieu de travail ainsi que durant la phase de reprise accompagnée de nouvelles contraintes inhérentes à la situation sanitaire. 

SOMMAIRE

Dans le monde militaire, nous pouvons voir ces différents points :

• Les attentes des militaires et l’impact potentiel de ces attentes sur le moral et le comportement
• Les différentes méthodes permettant d’évaluer systématiquement la forme psychologique et le moral
• Les stratégies permettant de détecter et de gérer les signes et les symptômes des réactions de stress
• Les options des chefs pour fournir un soutien aux familles tout au long du cycle de déploiement
• Ce que les chefs peuvent faire pour optimiser le recours aux professionnels du soutien psychologique

1.  Le rôle des chefs et dirigeants dans la préparation psychologique

Sur les théâtres d’opération où ils sont projetés, les militaires doivent souvent faire face à des situations exceptionnelles et vivre parfois dans des conditions difficiles. Le parallèle est assez facile à faire avec le personnel soignant ou certaines personnes qui doivent assumer plusieurs rôles (à la fois parents, enseignants et professionnels). Le rôle des chefs militaires devient alors primordial : ils doivent être capables de gérer toute forme de problématique tant opérationnelle, que de vie. Leur capacité à écouter, anticiper, prévoir, décider et relever les défis est indispensable pour la performance et le bien-être de leur unité. Par analogie, les patrons et les DRH doivent assurer ces mêmes missions.

Certains facteurs de stress peuvent affecter la capacité de concentration d’une personne qui devra faire face à des événements « menaçants » (tirs ennemis…), « bouleversants » (mort d’un camarade…), « inattendus » (mauvaises nouvelles provenant de la famille…), « incertains » (mission sans date de retour précise…) et « ambigus » (règles d’engagement d’une mission trop flous…), ainsi qu’à l’éloignement familial et le manque de vie privée en raison des conditions extrêmes de promiscuité. Ces conditions si particulières se retrouvent aujourd’hui au sein de nombreux foyers français, plutôt urbains : espace réduit pour certains, solitude et manque d’interactions pour d’autres…

De fait, nous pouvons facilement faire le parallèle avec le contexte de la crise sanitaire que nous vivons, dans lequel des gens ont pu perdre des proches, vivre très mal le confinement ou encore les incertitudes et le manque de consignes de la part de sa hiérarchie.

Au cours d’une mission, le chef doit faire en sorte que les troupes restent concentrées sur l’objectif immédiat. A l’issue d’une mission, ce rôle consiste alors à créer les conditions à la réadaptation. Nous avons pu voir que les valeurs et la cohésion permettaient de créer des processus informelsavec pour effet de réduire le stress et d’atténuer certains impacts psychologiques. Mais il ne dispense pas de s’appuyer sur une structure formel faite de spécialistes (Psychiatre…).

Le chef d’entreprise et le manager n’ont-ils pas ce rôle à jouer dans ce contexte ?

 2. Les attentes des soldats et des chefs

L’objectif est ici d’expliquer l’importance de la gestion des attentes, d’identifier les conséquences d’une absence de réponses à ces attentes et de fournir une liste des comportements à adopter par les chefs pour les gérer.
Dans le cadre des opérations modernes, le militaire est souvent obligé de s’adapter très rapidement. Les personnels attendent donc du commandement qu’il leur fournisse les outils nécessaires pour réussir une mission et sont prêts, en contrepartie, à se montrer loyaux et à faire des sacrifices. Le manquement du milieu militaire à répondre à ces attentes risque d’entraîner des problèmes de discipline et de performance. Il faut également avoir à l’esprit que le fait de devoir servir d’exemple en permanence représente une lourde responsabilité.
La gestion de ces attentes est néanmoins très importante pour le maintien de la motivation et démontre que le domaine militaire ne représente pas un travail comme un autre.
Ces éléments sont transposables au monde civil.
En résumé :

Attentes des militaires :

• Argent et sécurité financière,
• Aventure et voyages,
• Faire partie d’une communauté d’élite,
• Encadrement des chefs,
• Soins en cas de blessure au cours de leur mission,
• Reconnaissance du service rendu.

Attentes de l’institution militaire :

• Discipline et obéissance,
• Disponibilité permanente,
• Forme et endurance,
• Spécialisation des compétences.

De la même manière, il serait intéressant de connaitre les attentes des collaborateurs en cette période et dans le futur proche, pour le retour en entreprise.

3. la forme psychologique individuelle

Ce concept concerne l’endurance mentale, la résistance et la solidité mentale pour faire face aux rigueurs des missions, allant de l’ennui à la menace vitale. Il s’adapte malheureusement pleinement à la situation que nous vivons aujourd’hui.

La forme psychologique constitue une composante fondamentale de la disponibilité globale. Comme avec les autres facteurs qui la définissent, les chefs ainsi que tous les militaires ont la responsabilité de garantir une bonne forme psychologique face aux exigences de la vie opérationnelle. Pour le chef, cela revient à s’appuyer sur des évaluations formelles et informelles de la forme psychologique, en sachant quels comportements signalent la difficulté et quand et comment accéder aux services des professionnels du soutien psychologique. Ce partenariat entre les militaires, leurs chefs et les professionnels du soutien psychologique peut renforcer la préparation de l’unité. En garantissant une bonne forme psychologique, les chefs développent la résilience de leur unité, de façon à ce qu’elle puisse répondre efficacement aux défis de la vie militaire tout au long du cycle de déploiement.

Les chefs ont donc intérêt à accroître et à maintenir la forme psychologique, la disponibilité et la performance du personnel sous leurs ordres.

Indicateurs possibles de la baisse de forme psychologique

• Absentéisme
• Insubordination
• Agressivité inappropriée
• Problèmes de discipline
• Conflits familiaux
• Problèmes liés à l’alcool
• Troubles du sommeil
• Agitation / irritabilité
• Exclusion sociale
• Difficultés de concentration
• Difficultés à prendre des décisions
• Manque d’entrain
• Changements dans les habitudes alimentaires

Actions possibles des chefs

• L’écoute active
• Équilibrer la routine avec du temps libre
• Réduire la stigmatisation et les barrières au soutien

La forme psychologique de retour chez soi

• La vie en garnison n’est pas toujours satisfaisante
•  Les réactions intenses mettent du temps à s’atténuer

La forme psychologique de la vie chez soi et du retour à l’entreprise.

Comment développer la force et l’endurance mentale d’un salarié, afin qu’il puisse mieux vivre dans un monde stressant et rempli d’incertitudes, afin de préserver sa santé tant physique que mentale (en limitant les somatisations et les pathologies liées au stress) ?

 4. le moral et l’efficacité de l’unité

Le moral est un terme large qui peut être défini comme le niveau de motivation et d’enthousiasme des militaires pour accomplir les objectifs de la mission. Des recherches sur le moral ont produit deux vérités clés :

• Un moral élevé a une influence positive sur la performance,
• Un moral élevé est associé à une réduction des victimes du stress.

Les facteurs qui jouent sur le moral

Il y a en premier lieu la nature même de l’opération militaire. D’autres facteurs pouvant influencer le moral incluent la couverture par les médias, le soutien de la nation au cours d’une mission et le degré de reconnaissance des efforts de l’unité. De plus, les facteurs relatifs à la mission peuvent influencer le moral de l’unité, tels que les réactions de la population locale et l’obtention de résultats positifs au cours d’une mission particulière.

Quels facteurs jouent sur le moral de vos collaborateurs aujourd’hui ? Est-ce l’ambiance ? Est-ce la peur de perdre son job, des objectifs mal définis conduisant au stress et à l’épuisement ?

Comment évaluer le moral ?

Des occasions informelles peuvent donner à un chef de nombreux indices sur le moral de l’unité. Cependant, il n’est pas toujours suffisant de s’appuyer sur ces occasions informelles. Cette évaluation se fera essentiellement par sondage. Mais également en faisant attention aux gens, en leurs consacrant du temps, en les écoutant.

Les éléments à inclure dans un sondage sur le moral :

• Le niveau général du moral
• La cohésion
• Les comportements des chefs
• L’efficacité
• Les facteurs de stress
• Les événements du déploiement
• La forme psychologique

À quel moment évaluer le sondage ?

Avant, pendant et après le déploiement.

L’attitude des chefs pour stimuler le moral : de quoi inspirer les managers 

• Etre juste et équitable
• Instaurer la discipline
• Punir avec mesure sans y prendre plaisir
• Tenir informés les subordonnés
• Reconnaître ses propres erreurs
• Défendre les subordonnés ayant commis une erreur de bonne foi
• Protéger les subordonnés des traitements injustes
• Empêcher les subordonnés d’encourir des risques inutiles
• Faire la tournée des popotes
• Faire face aux épreuves ensemble
• Développer l’esprit de corps
• Prévenir les conflits au sein de l’unité

Le monde militaire peut être une véritable source d’inspiration pour mieux diriger et s’adapter en période de crise ainsi que pour la prise en compte du facteur humain. Car, dans les armées, c’est bien l’homme qui se trouve au cœur du système. Pourquoi ne pas remettre l’humain au centre des préoccupations des entreprises, pour celles qui l’auraient oublié ou celles qui auraient l’impression de le faire ? Remettre du sens dans les actions, fédérer et développer de la cohésion autour de vraies valeurs, donner l’envie d’avancer ensemble dans la même direction ?
N’est-ce pas la description de l’entreprise idéale, et pourquoi ne pas profiter de cette période pour revoir notre façon de penser ? Ce n’est pas parce qu’on a un fonctionnement depuis longtemps qu’on ne peut pas en changer. Il faut inviter les salariées à repenser le travail et l’entreprise en lien avec la direction : être intelligent ensemble !

Nathalie Gourdin

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