Les valeurs : facteurs de cohésion, de résilience et d’efficacité

Dans ce contexte actuel d’incertitude et de changement, il est important de se poser la question de nos valeurs, car ce sont elles (avec nos croyances) qui guident nos pas et nous permettent de trouver un sens à nos actions. 

Dans un précédent article, nous avons vu que le système militaire pouvait inspirer le monde de l’entreprise par le biais de son mode de fonctionnement, à savoir l’humain au cœur du système. Je propose aujourd’hui d’explorer cette composante essentielle que sont « les valeurs », car facteur d’efficacité et de résilience. Elles permettent de susciter l’adhésion, l’appartenance et le dépassement de soi au profit d’un idéal plus élevé, donc un antidote à l’individualisme et une véritable ouverture sur l’intelligence collective. Seul, on va plus vite ; ensemble on va plus loin.

S’appuyer sur valeurs fortes

Les armées comme les entreprises sont composées d’une communauté d’hommes et de femmes qui s’engage librement pour exercer un métier. D’une entreprise à une autre, ou d’une institution à une autre, les valeurs peuvent être différentes, en fonction de l’histoire et des missions ou services qui sont eux aussi plus ou moins exigeants. Pour pallier au besoin de ses missions, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, il est nécessaire de s’appuyer sur des valeurs fortes telles que la discipline, le courage, l’abnégation, le sens du service.

La discipline permet, en effet, d’imprimer une rationalité et une formalisation dans les relations sociales, synonyme d’efficacité et de cohésion. Et c’est cette discipline que la plupart des jeunes viennent chercher en s’engageant. La discipline est la base du respect de soi et des autres.

Ne sommes-nous pas plus efficaces en étant disciplinés, capables de se fixer des objectifs et de s’engager à tout faire pour les atteindre ?

Vu sous cet angle, la discipline ne peut-elle pas être un moyen de prendre davantage ses responsabilités et de faire preuve de rigueur ? Et donc de plus d’efficacité dans son travail ? Cela n’apportera-t-il pas plus de confiance et d’estime ? Et d’autonomie individuelle ?

Une autre valeur socle de l’institution est la solidarité : être ensemble et avancer ensemble. Elle implique de s’entraider et de se soutenir. Cette notion apparaît de manière plus concrète au combat, où l’on protège et on aide son camarade. Elle doit être encore plus présente aujourd’hui en entreprise et dans notre société en générale. Cette solidarité existe bel et bien : on peut d’ailleurs observer des actes symboliques quotidiens, médiatisés tels que les applaudissements en hommage au personnel soignant, ou d’autres qui mériteraient de l’être davantage (offrir ses services aux plus fragiles, confectionner des masques). Chacun contribue à sa façon, donnant ainsi du sens à la plus petite des actions, et développe un fort sentiment d’appartenance.

Ce qui nous amène à une autre valeur essentielle : l’abnégation. C’est la base même de la notion de service public, c’est consentir à des sacrifices pour le bien de la mission.
L’abnégation comme pour le militaire, peut aller jusqu’au sacrifice suprême, mais permet de sauver des vies face aux virus. Cette valeur est portée par le personnel soignant, les pompiers et de nombreux autres agents du service public et des salariées, par des hommes et des femmes qui ont décidé de contribuer à leur manière à la lutte contre le COVID-19, parfois en laissant de côté leur propre activité professionnelle ou leur famille, en donnant simplement un peu de temps pour aider ceux qui ont en besoin. De l’abnégation nait également la résilience. Donner du sens à nos actions, et ressentir la motivation de contribuer au combat, à aider les autres, n’est ce pas se prouver à soi-même qu’on peut accomplir des choses auxquelles on n’aurait pas forcement pensé ? On peut parler ici du dépassement de soi car se dépasser, ça veut dire repousser ses limites, et parfois se rendre compte que ses limites étaient trop basses par rapport à nos capacités. C’est ainsi prendre conscience de qui on peut être, de se découvrir, de découvrir que nous sommes créatifs, et peut-être plus résistant et courageux que l’on aurait pu imaginer.

Évoquons maintenant le courage, notion multiple incluant l’audace, la bravoure, l’intrépidité. Mais le courage, c’est avant tout de faire son devoir, d’accepter les conditions difficiles, les contraintes, c’est aussi d’aller au-delà de ses peurs, ne jamais baisser les bras, se relever quelles que soient les blessures et de toujours aller de l’avant.
Afin de mieux appréhender un nouveau contexte, de nouveaux enjeux, il est important de renforcer l’adhésion et la cohésion, cela permet de consolider l’appartenance d’un individu à son groupe, escadron ou régiment.

Satisfaire les besoins des individus

C’est aujourd’hui un enjeu important et un défi face à l’incertitude et aux futures difficultés qui se dessinent après la crise sanitaire. À l’image de l’institution militaire, la société et les entreprises doivent satisfaire les besoins de l’individu, et pas seulement ses besoins de base (se nourrir, se sentir en sécurité…). Si on suit la pyramide de Maslow, les premiers besoins étant satisfaits, vient ensuite la satisfaction des besoins secondaires (appartenances, reconnaissance, épanouissement personnel). Le système miliaire peut satisfaire l’ensemble des besoins de l’individu. Ce dernier a en effet, la possibilité de se former tout au long de sa carrière. Il existe par ailleurs de nombreuses passerelles pour passer d’une catégorie à l’autre, cela représente un formidable ascenceur social pour celui qui se donne les moyens de réussir. Les entreprises devraient pouvoir se réinventer et proposer à leurs employés de donner du sens à leur travail, et de pouvoir découvrir leurs talents… mais avant tout leur permettre de regagner confiance et motivation par une cohésion renforcée et une meilleure qualité des rapports hiérarchiques, à dépasser leurs peurs et angoisses pour avancer. Ces caractéristiques permettent au soldat de supporter des situations difficiles dues au nouveau visage des champs de batailles. Cela peut par ailleurs, permettre de mobiliser plus facilement.

La mobilisation est une décision politique, qui peut demeurer abstraite dans l’esprit du soldat. Pour qu’elle soit réussie, le groupe apparait comme un substitut symbolique de la Nation. On retient qu’au moment le plus intense de l’action, le combattant qui souvent dans un éclair, se demande pourquoi il risque sa vie et au nom de quoi. Il le fait généralement dans l’esprit de protéger ses camarades, pour l’honneur de sa section, pour son chef mais pas forcément pour la patrie. C’est le groupe qui devient la patrie.
La solidarité et la cohésion apparaissent également indispensables au vu des différents témoignages pour assurer un certain équilibre mental. L’environnement du soldat est dangereux, voir mortel. Il représente souvent un ensemble d’images particulièrement violentes et choquantes (morts, corps mutilés, bâtiments détruits, paysages bouleversés).
On peut citer comme exemple le traumatisme vécu par certains soldats américains pendant leur séjour en Irak. La guerre dans ce pays a fait plus de morts des conséquences de séquelles et de traumatismes psychologiques ainsi que de leur mauvaise reconnaissance et prise en charge, que du fait des combats eux-mêmes. Ces soldats n’étaient pas motivés, ils n’avaient pas véritablement eu le temps au préalable de construire un groupe et une cohésion avant le départ, qui aurait pu renforcer leur mobilisation, mais surtout qui aurait pu les aider à mieux supporter le traumatisme psychologique d’une part, et d’autre part, la non-reconnaissance qu’ils subissent au retour est souvent très difficile à surmonter.

Qu’en sera-t-il de nos soignants et du personnel en première ligne ?

Nathalie Gourdin

Crédits photos : Priscilla du Preez – Unsplash

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